PRODUCTIONS PHOTOGRAPHIQUES DOCUMENTAIRES
Avec le soutien du Fonds Social Européen
 Les racines de l'espérance
photographe : Stéphane Lagoutte





Steve, 31 ans En contrat de six mois au Jardin maraîcher d’ACR à Conflans-Sainte-Honorine

Les ennuis, Steve connaît. Orphelin tôt, cet enfant du voyage a erré de petits boulots en petits boulots : il a poussé des chariots en maison de retraite, mis des produits en rayon en grande surface, assuré des remplacements en usine… Mais, en 2005, plus rien que la galère. Sans place, pas de logement et sans logement, difficile d’aller se présenter pour un emploi. Steve touche le RMI, vit et dort dans sa voiture. Par un copain, il a entendu parler du jardin d’insertion, il aimerait y entrer : pour lui ce serait l’occasion d’acquérir une formation et de pouvoir repartir sur de nouvelles bases. Il dépose une demande à la mairie de Conflans-Sainte-Honorine, mais patientera un an avant d’obtenir son contrat de six mois renouvelable une fois. Le 12 avril 2007, il est enfin embauché. Pour lui qui supporte mal, reconnaît-il, les contraintes et l’enfermement, passer ses journées au grand air, c’est une aubaine.

« Je suis comme un oiseau en cage à qui on aurait redonné la liberté. », dit-il joliment. Même s’il n’a aucune expérience professionnelle en la matière, les gestes du maraîchage ne lui sont pas totalement étrangers.
« Petit j’avais déjà donné un coup de main à mon oncle qui avait un petit jardin. J’aimais bien. Là c’est beaucoup plus grand. Mais les légumes, les fleurs, j’adore. »
Très vite, Steve trouve ses marques. Motivé, sociable, il est apprécié de toute l’équipe, de ses collègues comme des encadrants qui, au bout d’un mois, lui ont déjà confié des responsabilités comme la livraison des paniers en camionnette.
« C’est très agréable de sentir que les gens me font confiance. », explique-t-il. Responsabilisé, valorisé, le jeune homme s’investit avec plaisir dans ce nouveau travail. « C’est bien beau de toucher le RMI, mais ça n’est pas satisfaisant. Faut se battre, sinon, on n’arrive jamais à rien. » Alors pendant quatre mois Steve s’accroche. Malgré sa situation, il arrive tous les jours à l’heure, ne rechigne pas à la tâche, et noue des amitiés.
« L’ambiance est bonne ici. Tout le monde est gentil. Ça repose d’avoir de bons contacts avec les gens, j’aime bien aussi distribuer les paniers, rencontrer les adhérents. » Pourtant Steve n’est pas totalement serein, car une fois la journée terminée, il retourne à sa solitude et retrouve ses difficultés. « Ce n’est pas le travail qui me fait peur, ce qui me fait peur, c’est de ne pas avoir de chez moi. »
Bien sûr, il a une sœur qui pourrait peut-être l’héberger mais ce trentenaire solitaire n’a pas envie d’être dépendant. Alors, il espère qu’avec l’aide de Nathalie, l’assistante sociale de l’association qui gère le jardin d’insertion, il pourra obtenir une place en foyer. Il en rêve : le foyer, un endroit à soi, la fin de la galère.

« Je pourrais faire appel au 115 (NDLR : le Samu social) mais je ne veux pas : j’ai un travail, je suis pas un mendiant. »
Pourtant, s’il ne parvient pas à décrocher cet hébergement qui lui permettrait de se fixer et de se construire une vie, il le dit, il partira, sur les routes, avec les gens du voyage.
De fait, au mois d’août, Steve a disparu. Du jour au lendemain plus personne au jardin, n’a eu de nouvelles. Nathalie a essayé plusieurs fois d’appeler sur l’unique numéro de téléphone que Steve ait jamais donné : celui d’une vague amie. Mais elle non plus ne sait pas ce qu’il est devenu. A-t-il repris la route à défaut d’avoir réussi à se fixer ? A-t-il fini par trouver que même le jardin était une cage d’où il fallait s’échapper ? Pour Steve comme pour les 10%, environ de bénéficiaires de contrats solidaires partant chaque année sans explications, ces questions demeurent sans réponses.


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