PRODUCTIONS PHOTOGRAPHIQUES DOCUMENTAIRES
Avec le soutien du Fonds Social Européen
 Les racines de l'espérance
photographe : Stéphane Lagoutte





Alexis 29 ans au jardin au chantier d’insertion de l’associaiton PIJE à Savigny le Temple (77), au domaine de la Grange.

Alexis a la tête pleines de rêves. Des rêves en couleur, bien sûr : pastel, garance, indigo, safran... Car il est passionné de plantes teintoriales, ces végétaux utilisés depuis des siècles, sur tous les continents pour teindre les tissus. Il a attrapé le virus au cours de ses nombreux voyages, même si ses études l’avaient déjà conduit à s’intéresser aux plantes et à leur utilisation. Il a en effet en poche un BEP et un Bac pro de chimie, suivis d’un diplôme de préparateur en parfumerie.
« J’ai travaillé dans des laboratoires de cosmétique. Mon travail consistait à tester les parfums dans les crèmes et les cosmétiques, peser les matières premières, chercher les essences… »
Mais Alexis s’ennuie vite. « C’était intéressant, mais je ne voulais pas me sentir bloqué, je ne voulais pas signer de CDI et ça, c’est difficile à faire accepter. »
Alors il voyage : l’Inde, le Népal, le Maroc, le Mali, la Gambie. Au cours de ses périples, il étudie les végétaux et la façon dont l’homme les emploie dans les différentes régions du monde. « C’est ainsi que j’ai commencé à m’intéresser aux plantes teintoriales. », explique-t-il.
En 2006, au cours d’une halte française, il rencontre un fabricant de tissus africains. Il part avec lui en Gambie et au Sénégal pour installer des ateliers de teinture, mais, humainement déçu par l’expérience, Alexis rentre en France. Las, ses nombreux voyages l’ont coupé du système : pas de fiches de paie, aucun moyen, donc, de s’inscrire aux Assedics. Il touche le RMI et l’assistante sociale l’oriente vers l’association PIJE qui gère le chantier d’insertion du domaine de la Grange. Il y entre en janvier 2007.
« J’ai tout de suite été intéressé par le contrat proposé. D’abord, cela me permet d’avoir des fiches de paie, ce qui m’ouvre le droit à des formations : j’en ai trouvé une de huit mois, dans le Jura, qui prépare un certificat de spécialisation en plantes aromatiques et médicinales et leurs transformation artisanale. D’autre part, j’apprends ici les bases du jardinage et de la culture, ce que je n’avais jamais abordé. L’endroit est magnifique, je travaille en plein air, j’apprends à préparer la terre, à faire pousser les graines. Marc, l’animateur, arrive bien à nous situer. Il m’a donc proposé de m’occuper des plantes aromatiques et des quelques plantes teintoriales. C’est génial. Car pour moi la notion de culture est importante. Pour alimenter des ateliers de teintures, il faut cultiver les plantes, sinon on épuise les ressources naturelles. »
C’est là le rêve d’Alexis : cultiver ses propres plantes, en vendre une partie et utiliser le reste pour teindre des tissus.
« Je pense me lancer au Brésil. Je sais qu’il vaudrait mieux, pour moi, pour mon pays, faire ça en France, mais là-bas, les terrains sont beaucoup moins chers. Et puis, ici je ne suis pas sûr de trouver beaucoup de débouchés : les teintures naturelles sont plus fragiles, se dégradent plus facilement, je ne pense donc pas que cela puisse intéresser le business de l’habillement… Peut-être les métiers d’art, la restauration d’étoffes anciennes... »
En attendant donc, de mener à bien ses projets de formation comme de création d’activité, Alexis retrouve aussi au Domaine de la Grange ce qu’il était allé chercher dans le voyage : la rencontre avec l’autre. « Ici les collègues viennent de partout. J’ai pu vérifier, ici comme au cours de mes périples, que les gens les plus dans les ennuis sont souvent aussi les plus généreux. Même si nous n’avons pas tous la même motivation, je trouve qu’il y a quand même un bon esprit. C’est un travail physiquement difficile et cette difficulté lie les gens peut-être. »
L’été dernier, Alexis est parti avec l’association PIJE en Mauritanie pour planter des arbres dans le cadre d’une action de solidarité. Ravi de son expérience au domaine de la Grange, il partira au mois de février 2008 commencer sa formation.

« Je ne vois pas ce que j’aurai pu faire de plus intéressant cette année. »


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